logo acmp cgpm
le syndicat militaire

NL

FR

EN

Rechercher un délégué - POC

Une autre “victime” de la crise du coronavirus : le budget de la Défense ?

18/03/2020

Une des premières autres “victimes” de la crise du coronavirus pourrait bien être le budget de la Défense belge. Avec les militaires comme “dommages collatéraux”. Car le volumineux paquet de mesures HR (les XII travaux de la DG HR) pour améliorer notre statut et l’attractivité de la Défense en tant qu’employeur pourrait dès lors obligatoirement être réduit. La cause : pas assez d’argent.

Nous, militaires, savons assez bien que depuis deux décennies, l’armée est la cinquième roue du carrosse lorsque le gouvernement fixe son budget. En 20 ans, il n’a été question que d’économies et la Défense a été sérieusement négligée durant toute cette période.

La crise du coronavirus pourrait bel et bien prolonger cette période caractérisée par un manque de moyens financiers de sorte que l’augmentation du budget de l’armée telle que fixée dans le “Plan Vandeput” risque de se retrouver six pieds sous terre ; après tout, ce plan prévoit une augmentation des moyens financiers de la Défense d’environ 50% d’ici 2024. Cela signifierait aussi que nous resterions bien en-dessous du budget presque doublé, comme demandé par le CHOD. Ce doublement que le général Compernol demande d’ici 2024 est nécessaire pour pouvoir payer toutes les factures des nouveaux matériels, fonctionner correctement et améliorer l’attractivité du statut militaire.

Cette attente n’est pas un pessimisme malvenu, mais plutôt une approche très réaliste de la situation. Nous nous appuyons sur un certain nombre de déclarations faites ces derniers jours par des décideurs politiques et des experts économiques belges et européens, ainsi que sur les chiffres qui circulent actuellement. Il va sans dire qu’il est encore beaucoup trop tôt pour calculer l’impact financier exact de la crise du coronavirus – cela prendra encore des mois – mais nous avons bel et bien certaines indications qui nous donnent une idée de son ampleur.

Ainsi, Christine Lagarde, Présidente de la Banque centrale européenne, a déclaré le 12 mars que ‘‘la pandémie du coronavirus […] affectera négativement les plans de dépenses des autorités et leur financement.’’ Les investissements dans de nouveaux matériels militaires font partie de ces ‘‘plans de dépenses’’. Assez souvent dans le passé, nous avons dû faire l'amère expérience des considérations que les politiciens émettent lorsque les ressources financières sont rares et qu’il faut choisir entre injecter de l’argent dans la Défense ou dans d’autres domaines. Il est donc bien question de se demander si cela sera différent dans le contexte de la crise du coronavirus.

Une autre indication concerne l’Italie. Dans ce pays, les économistes s’attendent à une contraction de 3% de l’économie au premier semestre 2020[1]. Cela équivaut à 53 milliards d’euros en 6 mois. Aux Pays-Bas, le gouvernement pense avoir besoin de 90 milliards d’euros pour pouvoir lutter contre les conséquences économiques de la crise du coronavirus[2]. La crise financière et économique de 2007-2009 a coûté à notre pays 30,9 milliards, en plus d’une réduction du pouvoir d’achat des ménages à hauteur de 9,7 milliards[3].

Restons optimistes en ces temps sombres et partons du principe que notre pays va s'en sortir particulièrement bien, notamment que le coût direct de la crise du coronavirus pour le gouvernement fédéral serait de 10 milliards. Ces 10 milliards – qui probablement sont une importante sous-estimation[4] – devront être trouvés quelque part. Soit en économisant sur les dépenses de certains/des départements fédéraux (Affaires intérieures et Police, Justice, Mobilité et Transports, Finances, Régie des Bâtiments, Défense), soit en augmentant la dette, soit en combinant une réduction des dépenses et une hausse des impôts. Mais peu importe d’où qu'il vient : tôt ou tard, cet argent devra être mis sur la table.

Dans un tel ‘‘contexte de coronavirus’’ budgétaire, qui oserait alors encore affirmer avec assurance que le budget de l’armée doublera d’ici quatre ans ? Ou bien, qui oserait dire avec certitude que même la trajectoire budgétaire du ‘‘Plan Vandeput’’, avec une augmentation de 50% des moyens financiers, sera encore et toujours maintenue ?

Et si cette évolution ‘‘inconfortable’’ devait quand même se produire et que la Défense devait ne pas obtenir tous les euros nécessaires, quel sera alors l’impact sur le plan d’investissement, sur son fonctionnement journalier et sur ce que l’on appelle ‘‘les XII travaux de la DG HR’’ ?

Compte tenu de l'expression “hope for the best, plan for the worst”, nous ne pensons pas du tout que l'opinion du manager de la transition, le général-major Marc Thys, soit erronée : ‘‘Et si les sous ne viennent pas ? Alors, nous allons devoir réfléchir très sérieusement à une page blanche.’’[5]

Il semble approprié au syndicat militaire ACMP-CGPM qu’il fasse entendre maintenant ce point de vue et qu'il prenne sans délai une feuille blanche à "Evere". Afin de préparer le "pire des cas" - mais aussi les "pires cas" - si toutes les ressources financières espérées ne sont pas allouées.

Cette réflexion revêt encore une importance majeure compte tenu de la situation précaire du personnel et de l’évolution attendue et fortement négative des effectifs vers 20.000 militaires disponibles. Le personnel militaire doit par conséquent être la priorité absolue N°1 à trois points dans les prochaines années. Pour illustrer cela, il suffit de penser aux recrutements : la période de restrictions dues au coronavirus coïnciderait à peu près avec la phase initiale des recrutements 2020 pour les cadres ; il est donc urgent de procéder à des ajustements pour éviter que ces derniers soient hypothéqués.

Donc, si aucune priorité inconditionnelle n’est accordée aux ressources humaines dans la période à venir, nous craignons (et ceci est une boutade) que, dans un avenir proche, le dernier militaire devra éteindre la lumière dans la dernière caserne restante.

Le syndicat militaire ACMP-CGPM est, comme toujours, disposé à contribuer de manière constructive à une telle réflexion par ses propositions et ses idées.

 

[1] https://www.marketwatch.com/story/italy-will-need-a-precautionary-bailout-a-financial-firewall-as-coronavirus-pushes-it-to-the-brink-2020-03-10

[3] De Tijd, Crisis kost België 100 miljard, Stijn Demeester et Stefaan Michielsen, 4 août 2012.
[4] Le 18 mars, le VOKA (la fédération flamande des entreprises), par l'intermédiaire de son directeur général Hans Maertens, a estimé le préjudice économique à 18 milliards d'euros pour la seule Flandre.
[5] Het Belang van Limburg, “Denk je dat elke militair een wapen heeft? Dat is al 15 jaar niet meer zo”, Interview du général-major Thys, Jan Bex, 14 mars 2020.

Back

money 4823268 1920